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Luttes

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1 Juil 2023

Je pensais voir l’histoire d’une lutte, d’une confrontation politique, d’une « véritable guerre de l’eau », j’ai vu l’agonie d’un écosystème. L’histoire d’une plante qui d’un coup s’efface, d’insectes éradiqués, d’animaux en voie de disparition et d’humains qui, en quelques années seulement, à l’échelle d’une génération, voient détruire leur environnement.

De l’eau jaillit le feu”, (1h16) est sorti en salle ce 31 mai. Il raconte le bonheur de Julien, Thony, Amandine, et bien d’autres encore, rogné petit à petit par les exploitations de l’agro-industrie. Ils vivent au marais poitevin, deuxième zone humide de France, allant de Niort à la côte atlantique. Ce marécage, parc naturel régional depuis 2014, a été façonné par la main de l’homme dès le XIe siècle. La région est comme un vitrail, mosaïque de champs divisés par des voies d’eau navigables. Sur les rives pousse une végétation florissante, témoin d’une biodiversité jadis foisonnante.

Cailloux secs et pesticides

Sans même prétendre y toucher, en quelques décennies seulement, les exploitations agricoles qui encadrent le marais provoquent la destruction d’une grande partie de l’écosystème. De nombreuses rivières aux abords du marais ne sont plus que cailloux secs sur un lit sans eau. Des espèces ont complètement disparu : lentilles d’eau, algues, nénuphars… ou sont en voie de l’être. Là où l’eau demeure, elle se réchauffe, manque d’oxygène et est polluée par les pesticides ruisselants depuis les champs. Les grenouilles ne coassent plus, les poissons se raréfient et les libellules fuient des espèces invasives. Pire encore, le pompage de l’eau souterraine change les paysages par le sous-sol « Là ça ne se voit pas, parce que tout le sol s’affaisse en même temps, soupire Bernard, mais on a perdu 60 à 80 cm de tourbe, les racines sont exposées et les arbres meurent. » Pour qui a connu les paysages d’antan, cela se voit parfaitement.

Fabien Mazzocco montre comment la FNSEA et des gouvernements négligents, sinon complices, ont laissé les grandes exploitations s’installer en maître. Au fil des ans, pour cultiver le maïs, très gourmand en eau et hyper-subventionné, les exploitants puisent dans les nappes souterraines. Ils construisent des méga-bassines : « il y a 200 bassines prévues sur le Poitou-Charentes. Et dans ce secteur-là, on en a déjà 16. Il y a qu’un truc qui va manquer, c’est l’eau », déplore Bernard. Ils aspergent leurs champs de pesticides, sans réagir au fait que ces derniers coulent, au fil des ruisseaux, jusque dans le marais, pour tuer la vie.

Résistance

Quand les habitants du marais sont entrés en résistance, dès 2005 pour certains, dans une grande lucidité, les grands exploitants étaient déjà maîtres des lieux. « C’est la même situation qu’il y a 20 ans, déplore Julien, maïs partout, subventionné et irrigué. » En 2018, les militants du marais poitevin, habitants, éleveurs, paysans écolos, forment le collectif “No Bassaran”. En s’appuyant sur la loi, et le droit à manifester, ils parviennent à ralentir, et même à empêcher certains projets de méga-bassines. Leur résistance a culminé avec les évènements de Sainte-Soline.

Le film ne raconte pas la suite de l’histoire : les manifestations mobilisent et Darmanin, ministre de l’Intérieur, compare à des écoterroristes ces gens qui se révoltent en dansant. Il entame une chasse aux sorcières contre le mouvement des Soulèvements de la terre, pour finir par les dissoudre – influencé par la FNSEA et le président Macron. La sous-direction anti-terroriste est utilisée contre des militants écologistes lors de plusieurs arrestations spectaculaires. Un processus critiqué, y compris à l’ONU, par Michel Forst, Rapporteur spécial.

En sortant de la salle, malgré les victoires de No Bassaran, les ravages de l’anti-écologisme sur un écosystème entier étaient clairement visibles. Le marais poitevin, moribond, et ses militants criminalisés, sont une allégorie du monde capitaliste de demain.